Bref retour sur le colloque que nous co-organisions les 20 et 21 avril dernier. Il est envisagé d’en publier les actes dans le Journal de Botanique.

Résumés des interventions :

Société Française d’Histoire de la Médecine

Jacqueline VONS : De l’anatomie des plantes à l’anatomie de l’homme (1618-1718)

En 1618, Jean Riolan adresse une requête au roi pour l’établissement d’un Jardin royal en l’université de Paris. Ce texte dont subsistent quelques rarissimes exemplaires imprimés ne fut pas suivi d’effets immédiats. Ma communication vise à montrer comment le projet initial de l’anatomie des plantes devint par la volonté royale un instrument visant à affirmer la modernité contre la faculté de médecine de Paris lorsqu’en 1680 un cours d’anatomie humaine gratuit et public fut confié au chirurgien Pierre Dionis (1643-1718) dans l’amphithéâtre du Jardin royal, et quel fut ce cours.

Stanis PEREZ : Botanique, thérapeutique et politique : le cas Pitton de Tournefort (1656-1708)

Si la carrière de botaniste de Pitton de Tournefort est bien connue, on a longtemps sous-estimé son apport à la thérapeutique par les plantes mais également sa fonction de scientifique au service du pouvoir, et pas seulement dans le cadre du voyage fait au Levant sur ordre de Louis XIV. À bien des égards, cette figure majeure du Jardin royal des plantes incarne un “Moderne” dans le domaine du savoir, un savant de la République des lettres tout à fait conscient du rôle primordial de l’État dans la découverte scientifique.

Francis TRÉPARDOUX : Constant Duméril (1774-1860), un médecin  académicien au Museum, regards sur son œuvre

Précoce dans la carrière, prosecteur, anatomiste, professeur de médecine à Paris, il est largement connu par ses publications en zoologie, avec son traité d’herpétologie. Il figure parmi les médaillons de la grande façade du Muséum. Membre de l’académie de médecine, de l’académie des sciences. Il crée le bassin des reptiles au Jardin des Plantes.
Classification des espèces, évolution sont les grandes questions de cette période. Duméril est une personnalité à mieux connaître. Ma communication illustrera la transition du XVIIIe vers le XIXe siècle.

Société d’Histoire de la Pharmacie

Philippe JAUSSAUD : Apothicaires et pharmaciens du Muséum

De nombreux apothicaires et pharmaciens se sont illustrés au Jardin du Roi, puis au Muséum d’Histoire naturelle – dont trois d’entre eux furent directeurs. Ils ont conduit des travaux scientifiques éminents dans des champs disciplinaires très variés : sciences physiques, de la vie, de la santé et de la Terre. Un tel succès s’explique en grande partie par la nature pluridisciplinaire de l’enseignement pharmaceutique – spécificité constante à travers l’Histoire – et l’importance du stage préliminaire en officine – préparant au laboratoire. Quelques exemples significatifs seront développés, concernant surtout des pharmaciens du Muséum – titulaires de chaires « à collections » ou « sans collections ». Il s’agit de savants éminents, quoique trop souvent oubliés ou négligés dans la littérature biographique. Pourtant, la zoologie, l’anatomie, la botanique, la physiologie, la minéralogie ou la chimie leurs doivent des progrès décisifs.

Bruno BONNEMAIN : Des apothicaires du Jardin du Roy, pionniers de l’analyse de l’eau

Le thermalisme a une longue histoire mais l’analyse des eaux minérales ne prend véritablement forme qu’au cours du XVIIe et XVIIIe siècles, en France et à l’étranger. Comme le disait Eugène Guitard dans son ouvrage sur le prestigieux passé des eaux minérales, deux camps s’affrontent au XVIIe siècle celui des galénistes et celui des chimistes. Pour ces derniers, « les eaux minérales ont la valeur thérapeutique de substances qu’elles tiennent en dissolution ». Le ministre Colbert va dans ce sens et demande une analyse de toutes les eaux de France, ce que l’Académie des sciences va mettre en œuvre en demandant des échantillons de toutes les régions concernées. Parmi les acteurs de ces analyses, les apothicaires chargés de l’enseignement de la chimie au jardin du Roi, Josson et Geoffroy, font figure de pionniers. Cette analyse des eaux deviendra l’une des spécialités des apothicaires au XVIIIe siècle et des pharmaciens au XIXe et XXe siècle.

Olivier LAFONT : Se procurer des vipères vivantes et en grand nombre : un souci permanent de Moyse Charas

L’intérêt de Moyse Charas pour les vipères est attesté par le titre de son ouvrage, “Nouvelles expérience sur la vipère” et par le nom de sa boutique d’apothicaire, Aux vipères d’or. Une lettre inédite, écrite par lui et envoyée à Charles Spon, médecin de Lyon, renferme beaucoup de renseignements sur les difficultés que Charas rencontrait pour se procurer des vipères de bonne qualité et en quantité suffisante pour effectuer la préparation de son fameux sel de vipère. Il demandait à son correspondant de l’aider, en lui trouvant des vipères de la région lyonnaise, afin de les lui envoyer à Paris. Naturellement, il souhaitait les obtenir au meilleur prix, en raison du coût du transport qui s’ajoutait à celui de l’achat. La publication de son dernier ouvrage sur les vipères avait, en effet, accru l’intérêt du public pour son sel et il avait, de ce fait, besoin de plus grandes quantités de vipères pour sa fabrication. Cette lettre met en évidence les problèmes que posait aux apothicaires parisiens, l’approvisionnement en vipères.

Société Botanique de France

Michel BOTINEAU : Du Jardin des Simples aux Jardins Botaniques

Partant du plan de l’abbaye de Saint-Gall (en 820) qui distinguait trois types de jardins utilitaires avec leurs collections spécifiques (potager, verger-cimetière, jardin des simples), nous verrons l’évolution progressive des jardins botaniques de démonstration et/ou de collection, depuis leur conception initiale encore symbolique (Padoue, 1545), jusqu’aux jardins actuels dans lesquels se retrouvent à nouveau diverses thématiques avec un retour des préoccupations initiales (alimentaires, simples, …). L’histoire du Jardin des Plantes – qui ne recevra jamais le qualificatif de « botanique » – sera détaillée.

Marie-Elisabeth BOUTROUE : L’inventaire du jardin entre nomenclature et pédagogie

Les jardins botaniques remplissent, depuis leur création, plusieurs fonctions scientifiques quelquefois contradictoires : ils sont le conservatoire d’une flore locale ou témoignent des efforts d’acclimatation de plantes exotiques ; ils appartiennent à un riche particulier ou constituent un lieu de formation des médecins. Dans presque tous les cas, ils ont très systématiquement fait l’objet de descriptions publiées par leurs curateurs. L’exposé cherche à décrire cet ensemble où l’on trouve quelquefois des schémas, le plus souvent de très sèches listes alphabétiques et presque jamais la moindre image de plantes pour mettre en perspective les spécificités des descriptions du jardin royal de Paris.

Anne ALLIMANT-VERDILLON : Un personnage méconnu : Pierre Daubenton

Si le nom de Jean-Marie Daubenton est aujourd’hui connu de tous, il en est autrement de son frère Pierre. Jusqu’alors quasiment ignoré des historiens et des botanistes, Pierre Daubenton, rédacteur de nombre d’articles de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alambert est pourtant la véritable “âme botanique” de Buffon. C’est à lui que le célèbre naturaliste confia, entre autre, la création de ses jardins de Montbard et la gestion de la pépinière royale qui y étaient associées. Conjointement avec André Thouin, Pierre Daubenton y acclimata nombre d’espèces qui seront ensuite introduites dans le jardin des plantes au XVIIIe siècle. Ce dernier fournit par exemple à Thouin, de 1774 à 1776, quantité d’arbres issus de sa pépinière montbardoise ainsi que les 100 platanes nécessaires à la réorganisation des allées du jardin du roi (les fameux platanes de Buffon…).


Retrouvez ici le compte-rendu de la visite des serres du Jardin des Plantes par Agnès Artiges et P. Thommen.