Présentation du colloque

Le colloque ‘Les pollinisations’ s’est tenu à Paris, les vendredi 15 et samedi 16 avril 2016. Il a été organisé conjointement par la Société Botanique de France, la Société Française d’Ecologie, la Société Entomologique de France, la Société Nationale d’Horticulture de France, l’Observatoire des Abeilles et la Bibliothèque Inter Universitaire de Santé de l’Université Paris Descartes. Il s’est déroulé au Grand Amphithéâtre de l’Université Paris-Descartes, 12 rue de l’École de Médecine, Paris 6e.

Ce colloque pluridisciplinaire a permis d’aborder les nombreuses facettes des pollinisations, en incluant en particulier les thématiques suivantes :

  • L’importance agronomique des pollinisateurs
  • Les perturbations environnementales (changement climatique, fragmentation des habitats et urbanisation, importance des éléments semi-naturels, impact des produits phytosanitaires), causes possibles de l’hypermortalité des abeilles domestiques, …
  • L’interaction plantes-pollinisateurs : approche morphologique et adaptations de la fleur, coévolution, médiation chimique, phénologie de la production de nectar, …
  • La diversité des pollinisateurs et la compétition entre espèces
  • Les communautés végétales en interaction avec les pollinisateurs : lien entre leur stabilité et la diversité des pollinisateurs, flore mellifère et flore apicole, …

Programme du colloque

Vendredi 16 avril 2016

9h15 – Ouverture.
Marc-André Selosse (SBF), Guy Cobolet (BIUS, Université Paris Descartes).

10h00 – La fleur : un système biologique unique ? Christian Dumas (ENS Lyon).

11h00 – La diversité des abeilles sauvages : taxonomie, écologie et interactions avec les plantes à fleur. David Genoud (Observatoire des abeilles).

11h45 – La diversité des pollinisateurs, menacée mais clef du bon fonctionnement des écosystèmes naturels et agricoles. Colin Fontaine (MNHN).

14h00 – L’importance des habitats semi-naturels pour le service de pollinisation des Syrphidés. Jean-Pierre Sarthou (INRA Toulouse).


14h45 – Une épopée scientifique pour résoudre l’énigme de la disparition des abeilles butineuses. Axel Decourtye (UMT PrADE, Avignon).

16h00 – Médiation chimique entre plantes et pollinisateurs. Mathilde Dufay (CNRS, Université de Lille).

16h45 – Effet de l’urbanisation sur la pollinisation Isabelle Dajoz (Université Paris 7) & James Desaegher (Université Paris Sud).

17h30 – Remise du prix Barbaut – Weber de la Société Française d’Ecologie

Samedi 16 avril 2016

9h00 – La diversité des types de pollinisation. Aline Raynal-Roques (MNHN).

9h45 – Sexe et tromperie : la fleur comme produit d’une coévolution. Marc-André Selosse (MNHN et Universités de Gdansk [Pologne] et Viçosa [Brésil]).

10h45 – Flore mellifère et flore apicole. Florence Le Strat (SBF).

11h30 – Quantification des ressources florales disponibles pour les insectes pollinisateurs. Mathilde Baude (Université d’Orléans).

14h00 – L’importance de la maîtrise de la pollinisation pour les productions de semences en France. Jean-Daniel Arnaud (Société Nationale d’Horticulture de France).

14h45 – L’importance agronomique des insects pollinisateurs. Bernard Vaissière (INRA Avignon).

15h45 – Les multiples causes identifiées des pertes d’abeilles. Vincent Tardieu (Journaliste Scientifique).

16h30 – Impact de la fragmentation des habitats et de l’urbanisation sur les pollinisateurs. Benoit Geslin (Université d’Aix-Marseille).

17h15 – Présentation du rapport de l’IPBES sur l’état des pollinisateurs 17h30 – Discussion générale

Les interventions

La fleur, un système biologique unique ?

Christian Dumas (ENS Lyon, UMR Reproduction et Développement des Plantes)

Résumé : La fleur est un des moyens de résoudre l’équation d’un certain bonheur scientifique. Une équation à plusieurs termes : un peu d’art, de poésie et d’histoire des sciences, beaucoup d’observations, et quelques données scientifiques pour montrer en quoi elle constitue un système biologique unique. Unique parce qu’elle a réuni dans une même trilogie : botaniste, poète et généticien. Unique, car elle a un mode de mise à fleur original. Unique enfin car elle est le siège d’une reproduction sexuée totalement originale liée aux mécanismes de pollinisation et de fécondation. Sans fleur, il n’y a ni graine, ni fruit et il ne faut pas oublier que plus des trois quarts de nos productions agricoles sont issus du bon fonctionnement des fleurs et de pollinisations efficaces au sein desquelles les barrières à l’autofécondation ont joué un rôle clé comme moteur de l’évolution des angiospermes.

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La diversité des abeilles sauvages : taxonomie, écologie et interactions avec les plantes à fleur

David Genoud (Observatoire des Abeilles)

Résumé : Les abeilles sauvages sont représentées par près 20 000 espèces dans le monde, dont environ 960 sur notre territoire métropolitain. Cette vaste famille n’est pas aisée à étudier taxonomiquement et bien vastes et diversifiés sont les domaines d’étude de la biologie de ces organismes. De plus, une certaine confusion règne dans les esprits entre les différentes familles d’aculéates (hyménoptères à aiguillons), mais aussi plus simplement dans la terminologie «abeille» telle qu’employée dans les médias. Leur rôle est aujourd’hui bien mieux cerné du fait de l’abondance récente de travaux scientifiques relatifs à la pollinisation, même si ceux-ci sont plus particulièrement ciblés sur les cultures (vergers, porte-graines, oléo-protéagineux) et leur contexte paysager, raisons économiques obligent (services écosystémiques). La relation entre abeilles sauvages et flore autochtone est davantage méconnue, mais depuis une dizaine d’année quelques spécialistes arpentent le territoire, inventorient et collectent des informations biogéographiques et biologiques sur les abeilles sauvages de France, sans négliger leur relation aux plantes. Leur comportement trophique, plus ou moins étroitement lié à une espèce, une famille de plante (oligolectisme) ou sans préférence florale particulière (polylectisme), est l’un des maillons essentiels de la pollinisation allogame. Nous aborderons sommairement la taxonomie des abeilles et ce qui différencie les abeilles sauvages des autres aculéates biologiquement et morphologiquement, au point de les rendre si utiles et efficaces à la pollinisation. Puis seront abordées la biologie, l’écologie des abeilles sauvages ainsi que leur rôle dans la pollinisation de la flore autochtone, notamment en présentant le lien étroit qui existe parfois entre une plante et une espèce d’abeille et les adaptations si particulières nées de cette coévolution.

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La diversité des pollinisateurs, menacée mais clef du bon fonctionnement des écosystèmes naturels et agricoles

Colin Fontaine (Muséum National d’Histoire Naturelle, Centre d’Ecologie et des Sciences de la Conservation)

Résumé : La pollinisation animale est un processus écologique hautement diversifié crucial pour le fonctionnement des écosystèmes terrestres et la production agronomique. Il existe maintenant un faisceau de preuves indiquant que la diversité des pollinisateurs diminue, avec des conséquences tant en termes de maintien de la diversité des plantes sauvages et des chaînes trophiques qu’elle supporte, qu’en termes de sécurité alimentaire. La simplification et l’artificialisation des paysages ont été identifiées comme fortement reliées à ce déclin. Si la majeure partie des travaux ayant permis d’aboutir à ces conclusions se sont focalisés sur les abeilles sauvages et les syrphes, des études récentes soulignent l’importance d’autres groupes de pollinisateurs, peu reconnus, qu’il apparaît essentiel d’intégrer afin de mieux comprendre et restaurer le processus de pollinisation.

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L’importance des habitats semi-naturels pour le service de pollinisation des Syrphidés

Jean-Pierre Sarthou(INRA, UMR Agroécologie – Innovations – Territoires, Toulouse)

Résumé : Les Diptères Syrphidés sont le second groupe pollinisateur des plantes à fleurs, sauvages et cultivées, après les Apiformes. Ils constituent une famille, riche de quelque 540 espèces en France, aux habitus très variés tant au stade adulte que larvaire, reflétant des modes de vie tout aussi variés. On les rencontre en effet dans tous les habitats terrestres (hormis dans les grosses masses d’eau et les grottes) et leurs larves occupent les trois principales positions trophiques chez les animaux, à raison d’environ un tiers des espèces dans chacune : consommation primaire (larves phytophages de nombreuses plantes dicotylédones), consommation secondaire (larves prédatrices de nombreux petits insectes à corps mou, essentiellement de pucerons), décomposition (larves saprophages/microphages de bactéries et protozoaires dans de la matière organique en décomposition). Ces caractéristiques alimentaires des adultes et des larves, couplées à leur spécialisation à un ou plusieurs habitats de la part des premiers, et à un ou plusieurs microhabitats de la part des secondes, en font un groupe entomologique particulièrement intéressant à étudier dans les écosystèmes, cultivés comme naturels. Cet attrait explique l’existence d’une série de publications annuelles – Syrph the Net Publications – sur les traits bioécologiques, chorologiques, phénologiques et démographiques (entre autres sous forme d’une base de données européenne utilisable en modèle mécaniste) avec des clés d’identification des espèces européennes. Une présentation rapide de ces caractéristiques bioindicatrices sera réalisée puis les connaissances actuelles de leur fonction de pollinisateurs des plantes sauvages et cultivées seront exposées.

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Une épopée scientifique pour résoudre l’énigme de la disparition des abeilles butineuses

Axel Decourtye(Unité Institut de l’abeille/INRA pour la protection des abeilles dans l’environnement, Avignon)

Résumé : Issue d’observations de terrain, l’hypothèse est proposée depuis les années 90 par les apiculteurs que des insecticides appliqués sur les semences de plantes cultivées, et visitées par les abeilles lors de la floraison, peuvent affecter le retour à la ruche des butineuses. Les scientifiques se sont emparés de cette question et ont mis au point des protocoles originaux pour y répondre. Notre effort s’est porté sur l’enregistrement du vol de retour à la ruche de butineuses marquées avec une micropuce RFID. Grâce à cet aboutissement méthodologique, et à un partenariat pluridisciplinaire, nous avons mené un cheminement scientifique, répondant pas à pas à la controverse. Nous avons ainsi démontré en conditions réelles que le butinage sur des fleurs contaminées par de faibles quantités de résidus de pesticides provoque la disparition des butineuses.

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Médiation chimique entre plantes et pollinisateurs

Mathilde Dufay (CNRS, UMR Evolution, Ecologie et Paléontologie, Université de Lille)

Résumé : Les odeurs florales sont un des modes de communication majeurs entre les plantes, leurs pollinisateurs et leurs herbivores. Les caractéristiques de ces signaux, leurs fonctions, leurs variations entre et au sein des espèces et leur évolution constituent l’un des objets d’étude d’une discipline appelée l’écologie chimique, qui, comme son nom l’indique, applique les outils et les connaissances de la chimie à des questions en écologie et qui s’est fortement développée au cours des dernières années. Au cours de cette conférence, je présenterai ce qu’est une odeur florale, comment on la mesure en tant que signal, pour ensuite parler des processus écologiques et évolutifs pouvant affecter ce trait et sa variation. Je parlerai notamment du rôle de la chimie dans la mise en place et la spécificité des interactions plante-pollinisateurs, des effets contradictoires que peuvent jouer les pollinisateurs et les herbivores sur les signaux chimiques, des variations géographiques de ces signaux et des stratégies parfois spectaculaires adoptées par les plantes pour attirer leurs pollinisateurs, sans forcément que ceux-ci reçoivent un quelconque bénéfice en retour.

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Effet de l’urbanisation sur la pollinisation

Isabelle Dajoz (Université Paris 7, Institut d’Ecologie et des Sciences de l’Environnement de Paris) & James Desaegher (Université Paris Sud, Laboratoire Ecologie – Systématique – Evolution)

Résumé : Au travers notamment de l’expansion des surfaces imperméables et de la fragmentation des habitats, l’urbanisation représente un changement global ayant de fortes conséquences sur la diversité animale et végétale. Dans le contexte mondial d’urbanisation galopante, il est fondamental de qualifier et de quantifier précisément ces conséquences. 
Cet exposé à deux voix a pour objectif d’analyser l’impact de l’urbanisation sur la flore, la faune pollinisatrice et sur le fonctionnement des réseaux d’interactions entre les plantes et leurs pollinisateurs. Ces interactions sont à la base du service écologique essentiel de pollinisation, qui est impliqué au premier chef dans la production alimentaire et dans le maintien de la biodiversité végétale. Nous analyserons l’impact de l’urbanisation sur la composition des communautés végétales et l’évolution de leurs traits floraux, en relation avec la structure des communautés de pollinisateurs en milieux urbains. A titre d’exemple, il semblerait que les flores des milieux urbains deviendraient de moins en moins dépendantes des insectes pollinisateurs pour leur reproduction, en réponse à la raréfaction des pollinisateurs observée dans ces milieux. Mais quelles seraient les conséquences de cet affranchissement des flores urbaines aux pollinisateurs ? La détermination des échelles géographiques auxquelles les impacts de l’urbanisation sont observables est également primordiale pour la prise en compte des relations plantes-pollinisateurs dans l’aménagement des futurs milieux urbains.

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La diversité des types de pollinisation

Aline Raynal-Roques (Professeur honoraire, Muséum National d’Histoire Naturelle)

Résumé : La rencontre des sexes chez les plantes à fleurs résulte de stratégies complexes et variées. Nous en présenterons quelques cas traduisant de multiples adaptations.

L’anémophilie. L’épanouissement des fleurs d’une même inflorescence est souvent synchrone, il assure alors une production de pollen massive. Bien que toutes les fleurs d’une inflorescence n’aient pas le même âge, elles parviennent à l’anthèse simultanément. La disjonction fréquente des sexes conduit les étamines, largement exposées au vent, à émettre le pollen au-dessus des fleurs à pistil fonctionnel, unisexuées ou hermaphrodites-protogynes.

La cléistogamie. La pollinisation s’effectue dans les fleurs fermées, mais susceptibles de s’épanouir ensuite, ou non. Fleurs chasmogames et cléistogames peuvent coexister sur la même plante. La cléistogamie peut répondre à une contrainte du milieu. Dans d’autres cas, elle affecte d’une façon régulière une région précise de la plante ; elle est alors dite architecturale. Les nasties et la pollinisation. En réponse à un stimulus précis, les organes floraux effectuent des mouvements rapides, réversibles, capables de retenir temporairement l’insecte pollinisateur dans la fleur. Ces mouvements complexes interviennent dans divers organes.

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Sexe et tromperie : la fleur comme produit d’une coévolution

Marc-André Selosse (Muséum National d’Histoire Naturelle, Universités de Gdansk [Pologne] et de Viçosa [Brésil])

Résumé : La fleur pollinisée par les animaux est souvent vue comme une merveille d’adaptation – et si c’est vrai, cela cache de redoutables conflits d’intérêts qui furent fatals aux fleurs les moins adaptées. La fleur comporte en effet (1) les parties productrices et réceptrices le pollen, (2) la récompense qui justifie la visite de l’animal (du nectar le plus souvent), et enfin (3) des signaux olfactifs ou visuels attirant l’animal. La séparation de ces trois aspects permet de dangereuses dérives.

L’animal qui vient chercher du nectar n’a pas d’intérêt direct au transport du pollen entre fleurs. Cela déclenche un premier type de conflit : les animaux prélevant le nectar sans polliniser. Nous verrons divers traits floraux qui évitent cela. Une solution est la substitution au nectar d’une récompense qui contraint la pollinisation : les animaux consommant le pollen ne peuvent éviter d’y toucher ; ceux qui pondent des œufs dans l’ovaire et dont les larves consomment des graines ne peuvent éviter de polliniser – le problème étant qu’un peu de pollen ou de graines doit alors échapper à l’appétit du partenaire.

La plante, quant à elle, n’a pas non plus d’intérêt direct à nourrir l’insecte, qui survivra au moins le temps de transporter le pollen. Comme le sucre ou les acides aminés recherchés par les animaux n’ont pas d’odeur, la plante peut donc afficher les signaux attractifs sans investir dans la production de nectar ! Nous verrons comment les animaux évitent, mais pas toujours assez, de tels pièges. De part et d’autre peuvent donc exister des tricheurs, et la pollinisation ne « marche » que lorsque, dans l’évolution passée, l’apparition de tricheurs a été suivie de celle de mécanismes limitant leur impact – en un mot, lorsqu’une coévolution s’est produite. Cette coévolution est rapide et multiple : nous expliquerons ainsi de nombreuses convergences entre fleurs de groupes différents… Fleurs qui sont donc autant des couches nuptiales que des zones de lutte coévolutive.

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Flore mellifère et flore apicole

Florence Le Strat (SBF, Editrice du Journal de Botanique)

Résumé : Plantes mellifères, plantes à valeur apicole, autant de mots employés pour désigner les fleurs que butinent les abeilles domestiques, tant il est vrai que les plantes sont des ressources importantes pour la conduite d’un rucher. Toutefois, la terminologie mellifère devrait normalement être réservée aux plantes nectarifères ou productrices de miellat. C’est en effet le nectar que certaines abeilles mellifères (Apis, Mellipona…) transforment en miel. L’exposé très généraliste nous permettra d’aborder ces notions de valeur apicole d’une plante, de sécrétion nectarifère, de composition chimique du nectar et son incidence sur la valeur du miel, au travers d’exemples de plantes européennes ou d’autres contrées du monde. Ce sera aussi l’occasion d’illustrer les relations abeilles- fleurs, car si beaucoup de plantes sont nectarifères, une partie seulement d’entre elles sont butinées par les abeilles domestiques en raison de leur morphologie (longueur de la trompe, …).

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Quantification des ressources florales disponibles pour les insectes pollinisateurs

Mathilde Baude (Laboratoire de Biologie des Ligneux et des Grandes Cultures, Université d’Orléans)

Résumé : La raréfaction des ressources florales (nectar et pollen) due à la perte et à la dégradation des habitats est souvent citée comme un des facteurs prédominant dans le déclin des insectes pollinisateurs. Pourtant, les ressources florales n’avaient jamais été quantifiées à large échelle, rendant impossible leur suivi sur le long terme. C’est à partir de ce constat qu’a débuté un travail de terrain et de modélisation statistique afin d’estimer les quantités de nectar produites par les 260 espèces les plus communes en Grande Bretagne. Ces données ont ensuite été combinées à des relevés de végétation caractéristiques des communautés végétales en Grande Bretagne (Countryside Survey) afin d’estimer la valeur nectarifère des principaux habitats. Les prairies calcaires, prairies neutres et forêts de feuillus apparaissent comme les habitats les plus favorables en terme de quantité et de diversité de nectar, alors que les habitats agricoles sont en moyenne les plus pauvres. Enfin, l’historique des changements d’utilisation des terres en Grande Bretagne nous a permis d’estimer les variations de l’offre nectarifère à l’échelle nationale depuis près de 80 ans, montrant un déclin entre 1930 et 1970 suivi d’une stabilisation puis d’un certain regain depuis les années 2000. Ces résultats seront présentés et discutés au regard de l’historique du déclin des insectes pollinisateurs et dans une optique de restauration de l’offre alimentaire pour les pollinisateurs.

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Les multiples causes identifiées des pertes d’abeilles

Vincent Tardieu (Journaliste Scientifique)

Résumé : En janvier dernier dans la revue Science[1], 35 chercheurs de plusieurs continents démontraient en champs, sur 33 espèces végétales, qu’un tiers de l’alimentation mondiale dépend de la faune pollinisatrice. Le plus étonnant est de retrouver le même résultat partout dans le monde, quels que soient l’espèce cultivée ou le climat. Trois variables clé modulent en fait ces rendements : la densité des insectes pollinisateurs présents, la diversité de leurs populations et la taille des parcelles cultivées.

Aussi, le déclin des abeilles, sauvages comme d’élevage, ne lasse d’inquiéter. Et cela d’autant plus qu’après vingt ans de mobilisation scientifique, apicole et politique, ce déclin se poursuit. Certes avec de fortes variabilités entre territoires, ruchers, et selon les années, mais à des niveaux préoccupants. Et cela d’autant plus qu’il n’existe pas de causes uniques ni systématiques… C’est en réalité la synergie des pressions polluantes, parasitaires et alimentaires qui expliquent pour l’essentiel ce déclin.Vincent Tardieu, journaliste scientifique d’investigation et auteur de plusieurs ouvrages sur l’abeille et sur l’agriculture[2], présentera les scénarios les plus probables de ce déclin, mais aussi les pistes pour l’enrayer.

[1] Lucas A. Garibaldi et al. (2016) Science, Vol 351, Issue 6271, pp. 388 -391.

[2] L’étrange silence des abeilles. Enquête sur un déclin mystérieux (éditions Belin, 2009, réédition et actualisation en Poche en juin 2015) ; Vive l’agro-révolution française ! (Belin, 2012, prix TerrEthique 2014) ; Manger écologique ? (Belin, 2015).

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L’importance de la maîtrise de la pollinisation pour les productions de semences en France

Jean-Daniel Arnaud (Société Nationale d’Horticulture de France)

Résumé : Les semences sont à la fois un élément clé de l’alimentation mondiale et de la préservation de la biodiversité. Pour mieux répondre aux attentes, les agriculteurs, les maraichers et les producteurs de plants exigent (et exigeront) des semences de plus en plus performantes. Afin de répondre à cette demande, depuis de nombreuses années et dans différentes zones de production, des mesures rigoureuses sont appliquées dans notre pays pour assurer une fécondation optimum des espèces et variétés concernées. Pour de nombreuses espèces potagères allogames notamment, des règles très précises sont définies. Une gestion informatisée des isolements par cartographie est mise en œuvre. Différentes autres espèces demandent des précautions particulières. En outre, les évolutions actuelles et les diverses demandes sociétales créent parfois des conflits qu’il faut résoudre. Ces différents points nécessitent une importante concertation interprofessionnelle, peu connue des consommateurs.

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L’importance agronomique des insectes pollinisateurs

Bernard Vaissière (INRA, UR Abeilles et Environnement, Avignon)

Résumé : Plus des trois-quarts des espèces cultivées dépendent de l’activité pollinisatrice des insectes pour assurer leur reproduction. Selon les cultures, ce niveau de dépendance varie de zéro à 100% et il varie aussi selon l’environnement et la conduite de la culture. Les insectes pollinisateurs interviennent dans quatre grands secteurs de l’agriculture : l’arboriculture fruitière, les grandes cultures oléagineuses et protéagineuses, le maraîchage et les petits fruits, et les cultures porte-graine. La faune pollinisatrice peut avoir un impact direct sur les rendements et la qualité des productions, ou intervenir directement pour la production de semence uniquement, ou enfin intervenir de façon indirecte sur la sélection variétale. Souvent les insectes pollinisateurs interviennent à ces trois niveaux comme l’illustre la généralisation des variétés hybrides. Je présenterai les résultats et conclusions d’un récent article dans Science qui met déjà en évidence un impact négatif des déficits de pollinisateurs sur les rendements à l’échelle globale et justifie l’intensification écologique de l’agriculture pour permettre de compenser les déficits de rendement observés.

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Impact de la fragmentation des habitats et de l’urbanisation sur les pollinisateurs

Benoit Geslin (Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie marine et continentale, Université d’Aix-Marseille)

Résumé : L’urbanisation est une des causes de la fragmentation des habitats naturels et donc du déclin de la biodiversité. Aussi, historiquement les aires urbaines ont été considérées comme étant des milieux pauvres pour la faune et la flore sauvage. Pourtant, l’image des villes évolue et celles-ci sont maintenant parfois considérées comme des refuges pour certaines espèces comme par exemple pour l’abeille domestique. C’est ainsi que récemment, les grandes agglomérations françaises ont vu leur nombre de ruches exploser, avec un engouement impressionnant de la part de la société civile pour l’apiculture urbaine. Des récoltes de miel importantes ont parfois été localement observées et le nombre d’institutions produisant leur miel s’est fortement accru.

Mais qu’en est-il des abeilles sauvages ? Il existe environ 977 espèces d’abeilles sauvages en France Métropolitaine et l’on peut se demander si la ville peut également être un refuge pour ces espèces ? Des travaux sur ces questions ont commencé à émerger et il existe une controverse concernant les effets de l’urbanisation sur les communautés de pollinisateurs. Certains auteurs ont mis en évidence que les villes pouvaient présenter une faune pollinisatrice diversifiée, et ce particulièrement si les ressources en fleurs sont localement abondantes. D’autres ont, à l’inverse, montré une diminution drastique de l’abondance et de la richesse des pollinisateurs dans des écosystèmes urbains. Cette présentation apporte des informations sur les travaux récents concernant cette problématique, en présentant notamment les derniers résultats concernant la France. Puis elle discute les implications potentielles des introductions massives d’abeilles domestiques pour les écosystèmes urbains et pour la faune pollinisatrice sauvage. Des travaux commencent en effet à se pencher sur l’existence d’une potentielle compétition entre abeilles domestiques et sauvages qui pourrait fragiliser le maintien de ces dernières dans les écosystèmes urbains.

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