Présentation du colloque

Le colloque ‘La domestication des végétaux’ s’est tenu à Paris, les vendredi 28 février et samedi 01 mars 2014. Il a été organisé conjointement par la Société botanique de France, la Bibliothèque Inter Universitaire de Santé de l’Université Paris Descartes et la revue Pour La Science. Il s’est déroulé au Grand Amphithéâtre de l’Université Paris-Descartes, 12 rue de l’École de Médecine, Paris 6e.

Ce colloque pluridisciplinaire a permis d’aborder les nombreuses facettes des domestications des végétaux incluant les thématiques suivantes :

Histoire des domestications – histoire de l’agriculture, archéologie/archéobotanique
Ethnobotanique, interaction Plantes – Hommes
Modifications morpho-anatomiques, génétiques et génomiques associées aux domestications
Diversité des modalités de domestication selon les espèces
Position phylogénétique des espèces domestiquées par rapport aux parents sauvages
Diversité au sein des espèces domestiquées
Ecologie des espèces domestiquées et de leurs parents sauvages
Interaction et coévolution avec les parasiteset mutualistes.

Programme du colloque

Vendredi 28 Février 2014

9h45 – Domestication et diversification secondaire de l’olivier méditerranéen. Guillaume Besnard (CNRS-UPS-ENFA, Toulouse).

10h30 – Histoire évolutive du pommier cultivé : origine et diversification à partir de ses apparentés sauvages en Eurasie. Amandine Cornille (Upsala University, Suède).

11h45 – Syndrome de domestication chez les pathogènes. Cas de la tavelure du pommier. Bruno Le Cam (Université d’Angers).

14h00 – Le héros sans rival – les débuts de la culture du palmier dattier au Moyen-Orient. Margareta Tengberg (MNHN).

14h45 – Domestications et diffusions du coton dans l’Ancien Monde. Charlène Bouchaud (MNHN-CNRS).

16h00 – Histoire et diversité des champignons domestiqués. Antoine Branca (Université Paris-Sud, Orsay).

16h45 – Pratiques traditionnelles de culture et sélection indirecte de traits d’histoire de vie chez une algue rouge cultivée au Chili. Myriam Valero (Station Biologique de Roscoff).

Samedi 01 Mars 2014

9h00 – Diversité des traits impliqués dans la domestication de la vigne : implications pour la reconstruction de l’histoire de la viticulture. Jean-Frédéric Terral et Laurent Bouby (Université Montpellier 2).

9h45 – De la cueillette à la culture des céréales au Proche-Orient. George Willcox (CNRS Archéorient).

11h00 – Approche génétique et génomique de la domestication des céréales. Yves Vigouroux (IRD).

11h45 – Domestication et sélection chez le manioc, une plante à propagation clonale et sexuée. Doyle Mac Key (Université Montpellier 2).

14h00  – Les processus de sélection artificielle à l’origine des domestications des plantes d’ornement. Valéry Malécot (Agrocampus Ouest- INHP-INRA-Université d’Angers).

14h45 – Comprendre l’origine des plantes cultivées, une longue histoire. Samuel Rebulard (Université Paris-Sud, Orsay).

16h00 – La domestication : un mutualisme entre hommes et plantes. Marc-André Selosse (MNHN).

16h45 – La conservation des ressources génétiques. Pierre-Henri Gouyon (MNHN).

Les interventions

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Domestication et diversification secondaire de l’olivier méditerranéen

Guillaume Besnard (CNRS-UPS-ENFA, Toulouse)

L’histoire de la domestication de l’olivier, une culture essentielle dans les sociétés méditerranéennes, nourrit de vifs débats. Une origine multilocale a souvent été invoquée mais la transition des oléastres (oliviers sauvages) aux formes cultivées a certainement eu lieu en plusieurs étapes. Des données de divers domaines sont ici discutées pour retracer ses origines lointaines ainsi que sa diversification plus récente. Les lignées maternelles (polymorphisme de l’ADN chloroplastique) ont permis de mettre en évidence 3 hotspots de diversité génétique chez l’oléastre : le détroit de Gibraltar, la région égéenne et le Proche Orient. La distribution passée de l’oléastre a également été inférée avec des données fossiles et la modélisation des conditions de température optimale. Celle-ci suggère que les hotspots de diversité correspondent à des zones de longue persistance. Nos données génétiques attestent d’une diffusion relativement récente d’oliviers cultivés d’Est en Ouest, et soutiennent une domestication primaire au nord du Levant. Notre observation vient également soutenir des données archéologiques et historiques qui attestent le début du commerce de l’huile d’olive il y a au moins 6000 ans dans cette région. La culture de l’olivier a été ensuite répandue vers l’Ouest, où des hybridations entre des cultivars introduits et des oléastres locaux ont permis une importante diversification secondaire de l’olivier.

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Histoire évolutive du pommier cultivé : origine et diversification à partir de ses apparentés sauvages en Eurasie

Amandine Cornille (Department of Ecology and Genetics, EBC, Uppsala University, Norbyvägen 18D, 75236 Uppsala, Sweden)

Malgré son importance économique, culturelle et historique, l’histoire de la domestication du pommier cultivé (Malus domestica) restait encore énigmatique avec beaucoup de questions en suspens concernant son origine et sa diversification: dans quelle région et chez quelle espèce sauvage le pommier cultivé trouve-t-il son origine ? Différentes espèces sauvages ont-elles contribué à créer les différentes variétés de pommes cultivées? En s’appuyant sur les nouvelles approches de génétique des populations (approximate Bayesian computation) avec l’utilisation de marqueurs génétiques hypervariables (microsatellites), nous avons retracé l’histoire de la domestication du pommier cultivé depuis son centre d’origine en Asie Centrale. Nous montrons qu’en plus du pommier sauvage d’Asie Centrale (Malus sieversii), le pommier sauvage européen (Malus sylvestris) a très largement contribué à la diversité des variétés de pommes cultivées en Europe. Ces travaux revêtent une grande importance autant pour la conservation du pommier sauvage européen, pour le maintien de son intégrité dans des habitats fragmentés que pour l’amélioration variétale du pommier cultivé.

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Syndrome de domestication chez les pathogènes. Cas de la tavelure du pommier

Bruno Le Cam (UMR 1345 IRHS, INRA, ACO, Université d’Angers. 49071 Beaucouze, France)

Présente dans toutes les régions du monde où le pommier est cultivé, la tavelure du pommier due au champignon Venturia inaequalis représente un bel exemple d’une invasion réussie. Les travaux menés ces dernières années au sein de l’équipe ont montré que le pathogène partageait en Asie Centrale le même centre d’origine que son hôte Malus sieversii. Il aurait été introduit en Europe très probablement à l’Antiquité via la route de la Soie puis sur les autres continents suite à l’essor de la culture du pommier, l’Europe jouant ainsi un rôle de « tête de pont » dans la dissémination de la maladie. Dans cet exposé nous monterons également que la domestication du pommier a non seulement induit une différenciation génétique au sein des populations du pathogène V. inaequalis mais également des changements profonds sur son pouvoir pathogène ainsi que sur d’autres traits d’histoire de vie liés, par exemple, à la dispersion du champignon. Le développement des nouvelles technologies de séquençage couplées à la génomique des populations va maintenant nous permettre d’identifier les régions génomiques impliquées dans l’évolution des traits d’histoire de vie en lien avec la domestication chez les pathogènes.

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Le héros sans rival – les débuts de la culture du palmier dattier au Moyen-Orient.

Margareta Tengberg (Professeur d’archéobotanique au Muséum national d’histoire naturelle, UMR 7209 “Archéozoologie, archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements” Muséum-CNRS)

La première domestication de plantes annuelles (céréales et légumineuses), advenue en Asie du Sud-Ouest au début de l’Holocène, est suivie, plusieurs millénaires plus tard, par celle d’espèces fruitières (vigne, olivier, figuier…) qui acquerront rapidement une très grande importance dans les économies proche-orientales et méditerranéennes. Le palmier dattier (Phoenix dactylifera L.) en fait partie même si son histoire ancienne est encore relativement peu connue. Cette présentation fait le point sur ce que nous savons sur l’origine et la première mise en culture de cette espèce emblématique des régions arides du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Des données récentes, issues de l’archéobotanique et de la génétique, permettent de retracer les interactions entre les sociétés humaines et le palmier dattier : de la cueillette de dattes sauvages au Néolithique à la phoeniciculture intensive de l’âge du Bronze.

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Domestications et diffusions du coton dans l’Ancien Monde

Charlène Bouchaud (MNHN-CNRS, UMR 7209 – Archéozoologie, archéobotanique. Sociétés, Pratiques et Environnements)

Le coton (Gossypium sp.) est de nos jours la fibre végétale la plus utilisée pour l’industrie textile. Quatre espèces du genre Gossypium ont été domestiquées dans différentes régions du monde (Brubaker et al. 1999). Deux d’entre elles, Gossypium hirsutum L. et G. barbadense L. (l’actuel « coton égyptien »), ont été domestiquées sur le continent américain et G. hirsutum est aujourd’hui le coton le plus cultivé à l’échelle mondiale. Les deux autres espèces, G. arboreum L. et Gossypium herbaceum L. sont originaires de l’Ancien Monde. Le premier vient du nord du sous-continent indien, où il est utilisé au moins depuis la fin du 6e millénaire (Moulherat et al. 2002) avant que sa culture ne se diffuse à partir du 3e millénaire en Inde (Fuller 2008). Le processus de domestication de G. herbaceum est jusqu’à présent peu compris et les seules données génétiques disponibles soulignent l’existence de sa culture uniquement au 3e-4e siècles après J.-C. dans le sud de l’Égypte (Palmer et al. 2012). Si l’on sait désormais que la culture du coton s’étend au Moyen-Orient et en Asie Centrale durant les premiers siècles de notre ère puis en Afrique de l’ouest et en Méditerranée occidentale au tournant de l’ère islamique (Bouchaud et al. 2011 ; Brite et Marston), la caractérisation des espèces impliquées et les routes de diffusion nous sont toujours inconnues. La présentation aura pour but de rassembler les données historiques, archéologiques, archéobotaniques, biologiques et génétiques afin de rendre compte de la complexité et de la richesse des processus socio-écologiques impliqués et des pistes de recherche à explorer.

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Histoire et diversité des champignons domestiqués

Antoine Branca (Maître de conférences, Laboratoire Écologie systématique et évolution, Université Paris-Sud, Bâtiment 360 91405 Orsay Cedex, France)

La domestication est un processus qui intéresse la biologie de l’évolution depuis la fondation de cette discipline par Charles Darwin. En effet, la domestication peut être définie comme de la sélection naturelle appliquée sur un caractère d’intérêt pour l’homme aussi bien dans le cadre de la production de nourriture ou de composés actifs que pour la production de races d’animaux de compagnie. De nombreux champignons, principalement des levures et des moisissures, ont été domestiqués pour la production de produits alimentaires bien connus comme le vin, la bière, le pain, le saucisson ou le fromage mais aussi des aliments plus exotiques tels que le saké (Japon) ou le tempeh (Indonésie). Lors de mon intervention, je présenterai la diversité des champignons domestiqués ainsi que l’état actuel des connaissances sur les processus de domestication de plusieurs espèces marquantes telles que les levures du genre Saccharomyces et les moisissures du genre Penicillium.

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Pratiques traditionnelles de culture et sélection indirecte de traits d’histoire de vie chez une algue rouge cultivée au Chili

Myriam Valero (Directeur de recherche, CNRS. UMR 7144, Equipe Evolution et Génétique des Populations Marines (EGPM). Station Biologique de Roscoff)

Gracilaria chilensis (algue rouge à cycle haploïde-diploïde) est exploitée pour l’extraction de phycocolloïdes (base de la production mondiale d’agar-agar) et constitue la première ressource algale du Chili. En 1985, suite à l’effondrement des populations naturelles par surexploitation, un plan national de culture intensive basé sur le bouturage des thalles a été mis en place sur l’ensemble des côtes chiliennes. Après 20 ans de culture, nos résultats montrent que contrairement aux populations naturelles composées à la fois d’individus haploïdes et diploïdes, une prédominance de diploïdes est observée dans les fermes. Les pratiques culturales chez G. chilensis semblent avoir modifié significativement les traits d’histoire de vie : elles auraient entrainé une sélection des génotypes diploïdes hétérozygotes (sélection involontaire due probablement à un effet d’hétérosis) à partir des populations naturelles adjacentes. L’analyse démontre clairement que ces génotypes hétérozygotes ont été transférés de proche en proche par les cultivateurs-pêcheurs artisanaux. Enfin, l’histoire des populations de cette espèce laisse entrevoir effet des goulots d’étranglement successifs : colonisation puis surexploitation pourraient expliquer la très faible diversité des populations chiliennes et peut-être, par là même, la très faible résistance des cultures aux attaques des épiphytes. Ce travail constitue à notre connaissance, la première étude de l’effet de la domestication chez les algues marines.

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Diversité des traits impliqués dans la domestication de la vigne : implications pour la reconstruction de l’histoire de la viticulture.

Jean-Frédéric Terral (Centre de Bio-Archéologie et d’Ecologie (CBAE – UMR 5059 CNRS/Université Montpellier 2/ EPHE). Institut de Botanique. 163, rue Auguste Broussonet – 34090 Montpellier 2)

Le patrimoine mondial de la vigne (Vitis vinifera L. subsp. vinifera) compte de 5000 à 10000 cépages ou variétés cultivées sur plus de 7 millions d’hectares de vignobles à travers le monde. L’immense majorité de ces cépages sont issus d’un seul et même ancêtre, la vigne sauvage ou lambrusque (Vitis v. subsp. sylvestris) dont la pérennité des populations est actuellement menacée par la destruction de ses habitats naturels, par le phylloxera et d’autres ravageurs introduits au XIXème siècle et par la “pollution génétique” (introduction de gènes depuis le compartiment cultivé vers le sauvage). Dans cette communication, nous présentons un large panel de caractères morphologiques sélectionnés par l’Homme et de changements induits par la domestication de la vigne (syndromes de domestication) qui permettent de différentier les deux sous espèces. Nous illustrons également comment l’un d’entre eux, la forme du pépin, est utilisé en archéobiologie pour reconstruire l’histoire de la viticulture et de l’agrobiodiversité de la vigne.

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De la cueillette à la culture des céréales au Proche-Orient

George Willcox (Directeur de Recherche, CNRS Archéorient UMR 5133)

Cette présentation a pour objet l’adoption de la culture des céréales par des villageois du Proche-Orient. La généralisation de l’agriculture a été à l’origine d’une transformation socioculturelle fondamentale pour l’histoire de notre espèce Homo sapiens. Cette mutation a entraîné le développement de civilisations de plus en plus complexes, dont nous sommes les héritiers. Nous allons examiner quand, pourquoi et comment les humains qui ont cueilli les céréales sauvages pendant les millénaires ont commencé à les cultiver. Ensuite nous allons essayer de tracer les conséquences pour les plantes et pour les cultivateurs de cette relation symbiotique.

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Approche génétique et génomique de la domestication des céréales

Yves Vigouroux (Directeur de Recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement. UMR DIADE, 911 avenue Agropolis, 34394 Montpellier)

L’humanité dépend d’un nombre restreint de plantes pour se nourrir. Parmi ces plantes, les céréales occupent une part prépondérante dans l’alimentation mondiale. Ces céréales cultivées aujourd’hui sont issues de processus de domestication dont les premières étapes sont datées de plus de 12000 ans. Au cours de cette domestication, de profondes modifications morphologiques ont été opérées, jusqu’aux plantes cultivées que l’on connaît aujourd’hui. Ce processus a eu un impact global sur la diversité de ces plantes cultivées quand on les compare à leurs apparentées sauvages. Les approches génomiques d’étude de ces changements permettent aujourd’hui de mieux en mieux comprendre ces processus et d’identifier des modifications génétiques majeures associées à la domestication. Ces données génomiques permettent aussi de retracer plus finement la dispersion des plantes cultivées. De nouvelles approches sont aujourd’hui en cours de développement pour intégrer ces données génétiques avec les données issues d’autres champs disciplinaires pour mieux comprendre l’origine et la diffusion de ces plantes.

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L’évolution du manioc, une plante domestiquée à système de reproduction mixte clonal/sexué

Doyle McKey (Université Montpellier 2, Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE), UMR 5175 CNRS, 1919 route de Mende, 34293 Montpellier cedex 5 ; Institut Universitaire de France)

Le manioc est majoritairement reproduit par bouturage. Cette propagation clonale confère d’énormes avantages agronomiques mais, pratiquée à l’exclusion de la reproduction sexuée, elle peut conduire à l’appauvrissement génétique des populations domestiquées et à la perte de leurs capacités d’adaptation. Nous montrerons comment les paysans amérindiens opèrent un mélange habile de reproduction clonale et sexuée en gérant le manioc, et maintiennent ainsi à la fois la qualité agronomique et la diversité génétique des populations. Nous documenterons l’évolution des traits du manioc sous la domestication. Ensuite, nous décrirons la gestion du manioc en Afrique, où l’introduction de la plante n’a pas été accompagnée par la transmission du savoir des amérindiens sur la gestion des plantes issues de graines. Finalement nous comparerons l’évolution du manioc avec celle d’autres plantes domestiquées à propagation clonale, et examinerons les implications de nos résultats pour l’amélioration des stratégies de sélection chez ces plantes.

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Processus de sélection artificielle et domestication des plantes d’ornement

Valéry Malécot (Agrocampus ouest, UMR1345 IRHS, F-49045 Angers, France. INRA, UMR1345 IRHS, F-49071 Beaucouzé, France. Université d’Angers, UMR1345 IRHS, F-49100 Angers, France. LUNAM Université, France)

Par rapport aux plantes de grande culture, la domestication et les processus de sélection artificielle des plantes d’ornement se caractérisent par un nombre de générations souvent faible et une mise en œuvre technologique souvent limitée. De plus, pour ces plantes d’ornement, diverses sources d’augmentation de la gamme produite existent dont la diversification via la mise en culture d’individus d’espèces exotiques, et l’hybridation interspécifique, pour recombiner les caractéristiques des taxons parentaux. Les plantes d’ornement sont généralement issues d’individus repérés dans le milieu naturel à une échelle historique. Dans un bon nombre de cas, ces individus ont été repérés pour un caractère phénotypique particulier. Dans d’autres situations, ce sont des missions de collecte qui ont importé un petit nombre d’individu qui est à la source du matériel disponible actuellement. Pour toutes ces plantes d’ornement, la domestication est souvent peu marquée, l’être humain s’est efforcé de conserver les caractéristiques ornementales, voir les a combinées via des hybridations entre individus d’une même espèce ou d’espèces distinctes. Ces diverses situations seront présentées par des exemples issus des diverses catégories de plantes d’ornement.

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Comprendre l’origine des plantes cultivées, une longue histoire

Samuel Rebulard (Préparation à l’Agrégation Science de la Vie, Science de la Terre et de l’Univers. Université Paris-Sud, Orsay, Ecole Normale Supérieure, Ecole Normale Supérieure de Cachan, Muséum National d’Histoire Naturelle)

Dans les récits mythologiques, les plantes cultivées avaient une origine divine. Ces conceptions ignoraient le processus de domestication et la continuité entre ce que nous appelons aujourd’hui la biodiversité naturelle et la biodiversité cultivée. La rareté et la faible fiabilité des sources historiques, les multiples voyages des plantes cultivées dans les bagages des explorateurs et des marchands et les transformations des noms d’espèces au cours du temps ont considérablement brouillé les pistes. Les travaux précurseurs d’Alphonse de Candolle au milieu du XIXe siècle associant des disciplines aussi variées que la linguistique, l’archéologie, l’ethnologie, la biogéographie et bien sûr la botanique ont permis de localiser les premiers foyers de domestications et de proposer les premiers scénarios. Aujourd’hui l’étude de l’histoire des domestications inclut d’autres disciplines comme la génétique, la génomique ou la phylogénie gardant ainsi son caractère éminemment pluridisciplinaire.

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La domestication : un mutualisme entre hommes et plantes

Marc-André Selosse (Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (Département Systématique et Evolution, UMR 7205 OSEB), CP 50, 45 rue Buffon, 75005 Paris, France)

De nombreuses sociétés, dont la nôtre, ont domestiqué des espèces végétales pour se nourrir, se procurer de l’énergie, se protéger ou se distraire. Plantes et micro-organismes domestiqués peuplent notre quotidien et notre table. L’homme contrôle en retour leur reproduction, et la sélection artificielle a façonné ces organismes à son avantage, rendant leurs parents sauvages parfois difficilement identifiables. Mais symétriquement, et subrepticement, ces organismes nous ont aussi modifiés, comme le montrent l’archéologie et les différences avec les sociétés qui n’ont pas adopté l’agriculture. Source d’aliments, les espèces domestiquées ont favorisé les traits génétiques et culturels qui nous permettent de mieux les digérer, comme les gènes aidant à hydrolyser l’amidon des céréales, ou l’utilisation de fermentations. Ces traits sont apparus à de multiples reprises, dans diverses sociétés indépendantes. La domestication est un mutualisme, donc une relation symétrique, qui à de multiples reprises a entraîné notre coévolution avec les espèces domestiquées.

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La conservation des ressources génétiques

Pierre-Henri Gouyon (Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (Département Systématique et Evolution, UMR 7205 OSEB), CP 50, 45 rue Buffon, 75005 Paris, France)

La domestication s’appuie sur une biodiversité sauvage et une biodiversité issue du processus de domestication lui-même. Or, la biodiversité est trop souvent perçue comme une liste d’espèces ou de variétés. Tout se passe comme si on considérait que la diversité du vivant, si précieuse, avait été créée une fois pour toutes, comme si les instances et les entreprises qui travaillent dans ce domaine ignoraient que l’Évolution peut produire de la diversité. Cette représentation, qui correspond à une conception pré-darwinienne du monde vivant, conduit à proposer des solutions de type « Arche de Noé ». Une approche de la biodiversité fondée sur le processus d’apparition/disparition de lignées évolutives modifie la façon d’appréhender le problème. La biodiversité est ou non renouvelable selon la façon dont nous l’exploitons. Ne pouvons-nous pas modifier nos pratiques de façon à ce que la sélection, fondée sur de nombreuses plantes et de nombreux paysans, produise de la diversité comme cela a été le cas pendant les 10 000 ans qui ont précédé notre siècle sans pour autant renoncer au progrès génétique nécessaire ?