Retrouvez le résumé et la vidéo de notre webinaire de janvier 2024.

 

Dynamique invasive du rhododendron pontique en France

Par Marion Casati

 

 

RÉSUMÉ

 

 

 

Les invasions par des espèces ligneuses tolérantes à l’ombre constituent une menace importante pour les écosystèmes forestiers. Le taux de persistance élevé de ces espèces et leurs impacts sur le long terme peuvent modifier de manière importante la structure, le fonctionnement et la dynamique des écosystèmes forestiers. C’est potentiellement le cas du rhododendron pontique (Rhododendron ponticum subsp. baeticum (Boiss. & Reut.) Hand.-Mazz.), un arbuste clonal originaire de la Péninsule ibérique. Reconnu depuis plusieurs décennies comme plante invasive notoire dans les îles Britanniques et en Irlande, il est encore peu connu en Europe continentale, en particulier en France, bien qu’il tende à envahir les sous-bois de certaines forêts, surtout dans les régions Bretagne et Normandie, et à un titre moindre en Ile-de-France et Hauts-de-France.

 

 

Au vu de la situation actuelle dans les îles Britanniques, qui subissent une invasion massive dans les milieux ouverts, l’émergence de cette espèce en France soulève des questions quant à son caractère invasif en milieu forestier et à sa priorité en matière de gestion. Dans ce contexte, la thèse dont certains résultats seront présentés dans ce webinaire vise à étudier les risques associés à l’invasion des forêts du domaine atlantique français par R. ponticum. Nous avons dans un premier temps réalisé un travail conséquent de synthèse bibliographique sur le rhododendron pontique afin de dresser un état des connaissances actuelles sur cette espèce. Nous nous sommes ensuite intéressés à la distribution actuelle du rhododendron pontique en France et avons tenté de prédire sa distribution future, en fonction de différents scénarios du GIEC. Dans un troisième temps, nous avons étudié la dynamique des populations de R. ponticum à une échelle locale et décrit sa plasticité architecturale et morpho-physiologique en fonction de la disponibilité en lumière. Enfin, nous avons analysé les impacts de l’invasion par R. ponticum sur les communautés végétales des écosystèmes forestiers.

Nos résultats ont montré la concordance de niche écologique entre la zone insulaire historiquement envahie et la zone continentale d’invasion récente. Nous avons identifié une potentielle contraction de son aire de distribution dans le futur. Au niveau de la dynamique des populations, nous avons mis en lumière la capacité du rhododendron pontique à se propager localement par voie végétative (marcottage) dans les peuplements forestiers, mais peu à longue distance en raison d’une limitation du recrutement liée à un défaut en microsites favorables. L’étude de l’architecture et de la morpho-physiologie foliaire a démontré une forte plasticité de cette espèce en réponse aux conditions de lumière, et la mise en place d’une stratégie particulière pour la maximisation de l’utilisation des ressources, reposant sur deux tactiques d’exploitation de la lumière en fonction de l’intensité de celle-ci.

 

 

L’étude de la diversité fonctionnelle de la strate herbacée, en fonction des conditions environnementales et de l’état d’invasion par R. ponticum a permis d’identifier des réponses précoces à l’invasion. Il en ressort notamment un impact fort de cette espèce sur les conditions environnementales, qui conduisent à une diminution de la diversité taxonomique et fonctionnelle de la strate herbacée. Ce travail nous montre l’importance d’une approche multi-facettes et intégrée d’un plante ligneuse invasive en forêt, d’une part pour la compréhension des mécanismes permettant le succès invasif et d’impacter la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes envahis, d’autre part pour mieux maitriser le risque invasif et élaborer une stratégie de gestion scientifiquement fondée.

 

 

Marion Casati est Docteur en Ecologie. Elle a soutenu sa thèse en septembre 2023 à l’Université de Picardie Jules Verne (UMR CNRS 7058 « Ecologie et Dynamique des systèmes anthropisés »). Ses travaux ont porté sur la dynamique invasive du rhododendron pontique dans les forêts du domaine atlantique français.