Décerné lors de la séance du 25 mars 2022, la remise du prix a été précédée d’un éloge prononcé par Frédéric DUPONT, professeur de botanique à l’Université de Lille. Vidéo, textes et illustrations ci-dessous !
Cher Maître et cher Daniel, c’est un grand honneur de t’accueillir à la Société Botanique de France pour retracer tes mérites, au travers d’une existence entièrement tournée vers le végétal, en effet :
LA SENSIBILISATION
Enfant, tu avais admiré les Perce-Neige dans les haies de ton village du Pas-de-Calais, Foncquevillers près d’Arras qui te vit naître en le 24 décembre 1942.
Installé vers 1950 vers 7-8 ans dans la Somme à Warloy-Baillon entre Albert et Amiens, tu introduisais tes chers Perce-Neige dans ton jardinet.
Vers 10 ans, au début des années 50, les coteaux crayeux de la Somme, encore parcourus par un berger et ses moutons, étaient ses terrains de jeux où tu reconnaissais la Dame d’Onze heures et différentes orchidées.
LES RENCONTRES DETERMINANTES
Au collège de Domart en Ponthieu, tu trouvais génial ton professeur, Guy Dovergne, qui emmenait subitement ses élèves dans un champ encore fleuri malgré les premières neiges et dont il énumérait les noms français « fermez vos cahiers, habillez-vous, nous allons voir les champs » me racontes-tu. Les sorties étaient nombreuses et les épreuves de reconnaissances comptaient dans les notes de cette section de sciences agricole destinées aux futurs instituteurs.
Lycéen, en seconde, tu te vois offrir ta première flore, celle de Bonnier, enseignée par Pierre Cuir, ton passionnant professeur de biologie végétale.
LES LAURIERS
Après le bac en 1961, en prépa agro à Lille en 1962, tu t’intéresses aussi à la physiologie végétale auprès de Jean Pierre Brunel, auteur d’ouvrages dans cette matière.
Formé à toutes les sciences naturelles, tu obtiens une licence à Lille en 1965, émaillée de nombreuses mentions puis un brillant DES de Sciences naturelles l’année suivante en 1966. Dans la foulée tu es reçu, dans la botte, aux deux concours nationaux de sciences naturelles, le CAPES en 1967 et l’agrégation en 1968.
CARRIERE UNIVERSITAIRE
Elle commence en 1967, 7 ans après le bac à la faculté des sciences de Lille sur le nouveau campus, au laboratoire de Cytogénétique et d’écologie végétale du Professeur Robert Linder (1921-1979).
Le jeune Capésien que tu es y entre en décembre comme assistant et l’année suivante comme professeur de lycée agrégé, détaché du secondaire.
Deux années universitaires s’ensuivent à la Faculté des Sciences de Rabat (1969-1971) où, en tant que Maître de conférences associé, tu as eu comme collègue et soutien Joël MATHEZ. Ton séjour marocain t’oriente alors vers les végétations métallicoles.
Je suis Nordiste comme toi et à c’est cette époque de ta carrière, en 1971-72, que, le lycéen que j’étais fait ta connaissance, après ton séjour au Maroc, à l’occasion des différentes conférences et sorties botaniques de la Société Botanique du Nord de la France. Tu étais alors jeune assistant-thésard à la faculté des sciences de Lille avec Raymond Jean, Paul Tombal, Jean-Luc Mériaux au milieu des professeurs de l’époque : ceux de la faculté des sciences de Lille : Robert Linder, Ernest Bonnot, Marcel Godart, Robert Bouriquet et leurs assistantes Marie Claire Verdus et Chantal Fabre notamment et ceux de la faculté de Pharmacie : Jean-Marie Géhu, tout juste promu professeur à Lille et Jeannette Géhu, Annick Delelis, Chantal Van Halluwyn, ses assistantes, nos voisins amiénois Jean-Roger Wattez et Marcel Bon, plus tard, vers 1974, les pionniers de la cartographie régionale de l’Institut Floristique Franco-Belge avec notamment nos collègues Belges, Van Rompey, Delvosalle, Delanghe, ainsi que Bournérias, Morand et Christian Bock.
Plus tard, à Lille, en maîtrise de Botanique à la faculté des sciences, j’ai eu la chance de te compter parmi mes maîtres : tu préparais alors ta thèse chez le Pr. Linder sur les communautés végétales colonisatrices des terrils du Nord-Pas-de-Calais.
En même temps, tu assurais aussi les travaux pratiques de botanique et certains cours du certificat de génétique écologique, ainsi que des nombreuses sorties, dans le cadre des certificats de Botanique et de Génétique écologique de Maîtrise de Botanique que j’ai suivie à Lille. Je garderai surtout le souvenir des passionnants travaux pratiques que tu menais dans ce cadre, de 1974 à 1976 ; les plus originaux étant ceux réalisés sur les cartes de végétation ou l’on mettait en relation les séries de végétation et les facteurs écologiques cartographiés.
L’année suivante, en 1977, tu es nommé maître assistant, puis maître de conférences en 1985 et trois ans après Professeur en 1988.
Ton travail de pionniers sur la végétation des terrils, s’est concrétisé par la soutenance d’une thèse d’Etat le 1er février 1980 devant le jury composé de E. BONNOT (Lille), R. BOURIQUET (Lille), H. ELLENBERG (Göttingen), A. LACOSTE (Orsay), P. OZENDA (Grenoble), et intitulée “La végétation des terrils du nord de la France, Ecologie, Phytosociologie, Dynamisme”.
A partir de 1980, après la disparition du Pr. Linder, le laboratoire s’intitule Génétique et Evolution des Populations. L’orientation est moins écologique et davantage physiologique et micro-évolutive mais les cibles végétales sont toujours des espèces anthropiques, liés aux paysages industriels du Nord. Cette fois ci, toi et ton équipe s’intéressent aux espèces tolérantes ou bio-accumulatives de métaux lourds, sous les aspects de microévolution sous l’effet de stress liés aux activités humaines. Les cobayes choisis sont Arrhenatherum elatius et Arabidopsis halleri, tolérantes aux métaux lourds par bio-accumulation, ce qui offre des perspectives de décontamination aux sols pollués en métaux lourds toxiques, nombreux dans le bassin minier et autour. Ainsi tu as été responsable scientifique (2000-2002) d’un projet multidisciplinaire du CNRS intitulé « Dynamique des métaux (Zn, Cd) dans les sols pollués : impacts des végétaux, de la matière organique, de la microflore et de la faune du sol » réunissant 9 équipes de recherches.
La plupart des DEA (entre 1981 et 1996) que tu as encadrés concernent les métaux lourds. C’est la même chose pour les quatre thèses d’université que tu as encadrées (entre 1985 et 2003).
Tu as été nommé Maître de Conférences en 1985 et trois ans plus tard, Professeur des Universités.
Un des autres traits marquants de la Région est sa richesse initiale en zones humides. A ce titre, c’est encore toi qui a eu la responsabilité d’un projet « Entre Scarpe et Escaut, hydrosystème, biodiversité et changements socio-économiques, recherches pour un fonctionnement durable des zones humides » réunissant diverses équipes de l’Université de Lille 1(Géologues, Géographes, Biologistes) au sein du Programme National de Recherche sur les Zones Humides (1997-1999).
Dans tes nombreuses publications scientifiques (une soixantaine, plus une quarantaine de publications locales), le thème principal qui se dégage est bien sûr celui des terrils avec pour mots clés : végétation, pionniers, dynamique, compétition, flore, patrimoine, phyto-management.
Tes autres publications majeures concernent les métaux lourds avec les mots clés : populations, régime de reproduction, tolérance, hyper-accumulation, phytoremédiation.
D’autres publications concernent les végétations des sols crayeux, littorales, les flores patrimoniales et locales avec un sens du détail qu’on te connait bien, parfois enrichis d’observations fines, parfois anatomiques au sein de genres régionaux difficiles ou méconnus tels que les Callitriches ou les Carex.
Fort de ces expériences, tu as participé à de nombreuses études environnementales préalables à divers types d’aménagement au sein de l’AMBE (Association Multidisciplinaire des biologistes de l’environnement, depuis 40ans), mettant ainsi ses compétences générales de biologiste de terrain au service de la société.
Naturellement, tu aimes mettre ses qualités pédagogiques au service de la Société Botanique du Nord de la France que tu as présidée plusieurs années et en dirige maintenant le bulletin, Tu enseignes toujours la botanique à l’école des plantes de Bailleul. Esprit ouvert -on l’a vu par ta formation- à d’autres disciplines naturalistes que la botanique, tu es membre de la Société des Sciences, de l’Agriculture et des Arts de Lille, créée bien avant la SBF, en 1802.
C’est dire toute l’estime que te porte la Société de Botanique de France et pour moi-même la gratitude d’un élève envers un maître que j’ai la chance d’honorer aujourd’hui.