Cette étude s’inscrit dans le cadre des travaux de la SBF sur la forêt et l’adaptation des pratiques sylvicoles au changement climatique et à ses conséquences.
Elle a été pensée par Guillaume Decocq, vice-Président de la SBF et Professeur de Sciences végétales et fongiques et Jonathan Lenoir, chargé de recherche CNRS, appartenant tous deux à l’unité Écologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN) de l’Université de Picardie Jules Verne.
L’idée générale de cette étude est d’essayer de modéliser la niche bioclimatique potentielle à l’horizon 2100 des 106 essences exotiques actuellement mises en avant par les gestionnaires forestiers dans le but d’adapter les forêts françaises aux changements climatiques.
Ce travail a été conduit lors du stage de M2 de Tristan Ubaldi, financé par la SBF, au sein de l’UMR EDYSAN à l’Université de Picardie Jules Vernes (UPJV) à Amiens. Retrouvez ci-dessous un résumé de ces travaux.
Les forêts françaises métropolitaines sont aujourd’hui confrontées à des changements climatiques d’une rapidité incomparable depuis au moins les deux milles dernières années. Ces changements climatiques engendrent de nombreux phénomènes (intensification des feux de forêt, des sécheresses, la prolifération de ravageurs, etc.) qui impactent grandement les forêts, entraînant un dépérissement conséquent des arbres en forêt. Face à cet enjeu, l’une des stratégies proposées par les gestionnaires forestiers est d’adapter les forêts françaises en y introduisant des essences nouvelles, dites exotiques, qui sont susceptibles d’être mieux adaptées aux futures conditions climatiques en France d’ici à 2100.
L’objectif de ce stage de fin de master était de réaliser une analyse descriptive pour déterminer si la niche bioclimatique potentielle de 106 essences exotiques*
(voir Tableau 1) existe et/ou existera dans les forêts françaises à horizon 2100. Notre approche consiste à identifier l’intersection au sein d’une Analyse en composantes principales (ACP) basée sur huit variables bioclimatiques, entre les conditions bioclimatiques dans l’aire d’indigénat (où vit naturellement l’essence étudiée) et celles disponibles en France métropolitaine entre 1950 et 2100, sous trois scénarios du GIEC. Cette intersection correspond à une concordance climatique entre les deux aires et donc à la niche bioclimatique potentielle de l’essence qui sera ensuite projetée sur le territoire français.
*Ces 106 essences exotiques n’ont pas été choisi par hasard mais font partie d’une liste d’essences éligibles à subvention annexée au Plan national Forêt-Bois et de la liste ONF des essences éligibles à plantation dans les îlots d’avenir en France métropolitaine.
Les résultats de notre étude sont contrastés, avec vingt-huit essences dont la distribution potentielle bioclimatique en France croît entre 1950 et 2100, sous les scénarios SSP3-7.0 et SSP5-8.5 ; vingt-et-une (SSP3-7.0) et seize essences (SSP5-8.5) qui décroissent ; trente-cinq (SSP3-7.0) et quarante-quatre (SSP5-8.5) qui n’ont aucune distribution prédite en France métropolitaine (voir plus en détail sur la Figure 1).
Néanmoins, les résultats obtenus ici s’appuient uniquement sur huit variables bioclimatiques. De nombreux autres facteurs environnementaux et biotiques doivent également être pris en considération pour obtenir une distribution potentielle plus rigoureuse des essences à l’avenir en France. Ce premier travail ne peut pas et n’a pas pour vocation de prédire avec exactitude la distribution future des essences exotiques en France métropolitaine. En aucun cas, ces résultats sont donc des prédictions absolues et incontestables, bien au contraire.
Figure 1 : Évolution, entre 1950 et 2100, du pourcentage du territoire français (métropole) dont les conditions bioclimatiques coïncident avec les conditions bioclimatiques de l’aire d’indigénat de chacune des 106 espèces étudiées et suivant les trois scénarios du GIEC étudiés dans le cadre du stage : SSP1-2.6 (vert), SSP3-7.0 (orange) ; et SSP5-8.5 (rouge). Chaque numéro (1 à 106) est attribué à une essence, le nom est disponible en Tableau 1.
Ce travail a seulement pour objectif de donner un premier aperçu de la concordance climatique (à l’horizon 2100 sous différents scénarios du GIEC) entre le territoire français métropolitain et l’aire d’indigénat des essences exotiques étudiées ici. Afin d’apporter une première sélection parmi ces essences exotiques* dont l’acclimatation semble envisageable ou inenvisageable en France métropolitaine à l’avenir. Ce travail est seulement le résultat de six mois de stage, un travail préliminaire à un projet de thèse qui sera plus complet sur le même sujet.