La capacité à coloniser de nouveaux territoires est une caractéristique qui n’est pas étrangère aux plantes, et l’établissement de nouvelles populations est vital lorsqu’une espèce est soumise aux modifications des conditions de l’environnement. Un des exemples les plus spectaculaires est celui des déplacements progressifs des populations de magnolia du nord de l’Europe et des États-Unis d’Amérique vers le sud au cours de la dernière glaciation (entre – 110 000 et – 10 000 ans).

Si ces grandes migrations sont bien documentées, les processus responsables de la dispersion des graines et du flux génétique à une échelle spatiale fine sont plus difficiles à quantifier. Ces déplacements des populations de plantes s’effectuent-ils au travers de la dispersion des graines ou/et à celle des grains de pollen ?

La réponse à cette question est d’importance car si du point de vue macroscopique, c’est la population qui migre, au niveau microscopique, ce ne sont pas les mêmes populations de gènes qui se déplacent. En effet, la dispersion des graines disperse les gènes des deux parents alors que la dispersion du pollen ne disperse que les gènes de la lignée paternelle.

Pour répondre à cette question, la séquence de l’ADN des chloroplastes peut être utilisée car elle est généralement héritée de la plante mère [1]. Cependant l’ADN chloroplastique évolue lentement et ne présentent donc que de faibles variations. L’utilisation des outils de séquençage de nouvelle génération (NGS) rend désormais possible leur analyse fine. La comparaison de ces séquences permet alors la mise en évidence de différences subtiles qui peuvent être utilisées pour déterminer les liens entre plantes de populations différentes. L’équipe du Professeur Cruzan (Portland State University, USA) a développé un outil bioinformatique (CallHap) pour faciliter l’analyse en masse des données issues du séquençage permettant la détermination du mode de déplacement des populations végétales [2].

CallHap a été récemment utilisé pour étudier la dispersion des graines de la Boraginacée annuelle nord-américaine Plagiobothrys nothofulvus (A.Gray) A.Gray (Figure 1 ; nom vernaculaire anglais : « rusty popcornflower ») dans une prairie de 16 ha caractérisée par une mosaïque de types d’habitats [3].

Figure 1 : la Boraginacée annuelle nord-américaine Plagiobothrys nothofulvus (A.Gray) A.Gray. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Plagiobothrysnothofulvus.jpg

L’étude révèle que la dispersion des graines est principalement reliée aux mini-variations du paysage. Les graines n’apparaissent que secondairement dispersées par les campagnols et autres petits mammifères. Enfin, d’autres vecteurs, tels que les oiseaux, les ongulés et le vent, peuvent disperser les graines à de plus grandes distances mais semblent toutefois moins impliqués dans la dispersion effective des populations de cette espèce.

Références citées dans le texte :
1. Vallade, J., Structure et développement de la plante, morphogenèse et biologie de la reproduction des angiospermes. 1999, Paris: Dunod.
2. Kohrn, B., J. Persinger, and M. Cruzan, An efficient pipeline to generate data for studies in plastid population genomics and phylogeography. Applications in Plant Sciences, 2017. 5: p. 1700053.
3. Grasty, M., et al., Fine‐scale habitat heterogeneity and vole runways influence seed dispersal in Plagiobothrys nothofulvus. American Journal of Botany, 2020. 107(3): p. 413–422.